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Les SMR,
aux avant-postes du nouveau nucléaire
Plus petits, moins coûteux à fabriquer, plus simples à mettre en service, capables de se substituer aux moyens thermiques pour divers usages industriels et quotidiens…
Les Small Modular Reactors (SMR) ne vont pas tarder à faire entrer le nucléaire dans une nouvelle ère.
D’autant plus que les nombreux projets dont ils sont l’objet font souffler un vent d’innovation qui devaient profiter à l’ensemble des exploitants, y compris ceux des parcs actuels.
Une effervescence positive à laquelle Onet Technologies n’est pas étrangère.
Explications avec Maxime Michel-Noël, directeur du développement de cette filiale dédiée à l’ingénierie et aux services nucléaires.
- - Onet Technologies
Small is Beautiful
La célèbre formule a-t-elle un sens dans un univers industriel tel que le nucléaire ?
Une chose est sûre : depuis leurs premiers développements, il y a une vingtaine d’années, les Small Modular Reactors (SMR) font de plus en plus parler d’eux. À la suite des pionniers – États-Unis, Chine, Russie –, beaucoup de pays s’intéressent à ces unités de production d’un nouveau genre. La France n’y fait pas exception.
Dans le cadre du plan de relance du programme nucléaire français annoncé en février 2022, le Président de la République a promis des investissements à la hauteur d’un milliard d’euros pour les réacteurs de petite taille innovants.
Pas moins de dix projets sont aujourd’hui lancés dans l’Hexagone dont l’un des plus avancés, Nuward, associe le Commissariat à l’énergie atomique (CEA), EDF, Naval Group et TechnicAtome pour construire deux réacteurs. La première pierre pourrait être posée aux alentours de 2030…
De quelles virtualités les SMR sont-ils porteurs pour justifier pareil bouillonnement d’initiatives ?
Pour le comprendre, il n’est pas inutile d’en revenir aux mots qui composent l’acronyme.
Petits, les réacteurs le sont par leur puissance, entre 25 et 300 MW suivant les designs envisagés contre 900 à 1 600 MW pour les réacteurs civils actuels. Mais ils le sont aussi par leur emprise au sol, qui en fait de parfaits candidats pour générer de l’énergie dans des lieux isolés ou insulaires.
Rendre autonome une petite ville reculée, alimenter une installation de recherche non desservie par le réseau d’électricité : autant de services auxquels les SMR pourront contribuer.
Avec l’avantage collatéral de limiter l’impact de la production d’énergie sur les espaces naturels et la biodiversité.
Une petite révolution industrielle
Comme leur nom l’indique, les SMR sont également modulaires. Autrement dit, la conception standardisée et les dimensions réduites de leurs composants permettent une production en série, en usine, puis un transport et un assemblage final sur site. Rien de commun avec les chantiers de réalisation des centrales classiques, très consommateurs en capitaux, en ressources humaines et en temps.
En raison de leur compacité et du haut niveau d'intégration de leur design, les SMR vont apporter une petite révolution sur le plan industriel. On peut en espérer une diminution des coûts de construction et d'exploitation mais aussi, lors de la phase d'étude, des progrès dans la fiabilité des opérations de calcul, simulation et analyse.
Maxime Michel-Noël, directeur du développement d'Onet Technologies
Une autre promesse offerte par les SMR tient à la possibilité de les combiner sur un même site afin de tirer parti d’un effet de réseau.
En allumant ou en mettant à l’arrêt une partie plus ou moins importante d’une « flotte » de réacteurs, l’exploitant sera en mesure de faire varier l’offre d’électricité bien plus rapidement et facilement qu’avec une centrale classique. Un atout certain dans un contexte où les énergies renouvelables (solaire, éolien) sont appelées à prendre une part croissante dans le parc de production, nécessitant ainsi la mise à disposition de ressources en « back-up » pour pouvoir pallier leur intermittence.
L’avantage à faire fonctionner des SMR en réseau se situe enfin au niveau de la maintenance.
Cette dernière se déroulant par vagues, il y aura toujours des réacteurs en état de marche pour fournir au réseau la puissance électrique attendue.
Certains observateurs imaginent même des unités transportées jusqu’à des usines où seraient réalisées les opérations de vérification et de remplacement d’équipements ainsi que la recharge en combustible nucléaire.
Presque aussi simplement qu’une voiture déposée au garage pour le contrôle technique !
Toujours au chapitre des scénarios prospectifs inspirés par les SMR, il faut mentionner l’idée de pouvoir gérer plusieurs réacteurs à la fois depuis une même salle de contrôle.
De quoi éveiller l’intérêt des autorités de régulation, qui trouveraient là l’occasion d’inspecter à distance et en continu le fonctionnement d’une fraction du parc électronucléaire.
Décarboner la production de chaleur et le transport
C’est un fait désormais bien établi : l’électrification massive des usages sera un levier clé pour sortir des énergies fossiles. Dans cette perspective, les SMR s’affirment comme une solution complémentaire aux centrales nucléaires en exploitation et aux énergies renouvelables. Pour autant, leur rôle dans la transition écologique et énergétique ne devrait pas s’en tenir à la production d’électricité…
Aujourd’hui, le chauffage et le transport sont deux des activités humaines dont l’impact carbone est le plus élevé.
Or, les futurs réacteurs seront capables de générer de la chaleur, notamment pour répondre aux souhaits des industriels dont les besoins sont pour le moment pourvus essentiellement par le gaz
Maxime Michel-Noël
Bien entendu, ce type de finalité suppose des ajustements dans la conception des unités.
Conscients des débouchés potentiels, plusieurs acteurs se sont lancés dans la course. À l’image du producteur polonais de produits chimiques Ciech, qui prévoit d’utiliser les SMR afin de remplacer, dans ses usines, les ressources fossiles utilisées pour la production de chaleur industrielle.
En Finlande, des études ont été menées pour déterminer si l’énergie issue des futurs réacteurs pourrait alimenter les réseaux de chauffage urbain.
Côté transport, les SMR sont perçus comme un instrument susceptible de contribuer à la production d’hydrogène, un vecteur énergétique destiné à servir de base pour fabriquer des carburants de synthèse et, ainsi, contribuer à décarboner la mobilité lourde.
Là encore, des développements sont en cours. Dans le cadre du projet nucléaire initié par Rolls-Royce au Royaume-Uni, la production d’hydrogène figure parmi les applications visées explicitement.
L’industrie Maritime qui, par la voix de l’OMI (Organisation Maritime Internationale), s’est donné l’objectif de parvenir à zéro émission nette de gaz à effet de serre en 2050, est attentive aux possibilités offertes par le nucléaire pour décarboner la propulsion des navires.
Pour preuve, trois entreprises ont annoncé en juillet 2023 qu’elles allaient s’associer dans le cadre d’une étude de faisabilité portant notamment sur la technologie des SMR refroidis au plomb. Il s’agit de la start-up nucléaire européenne newcleo et des acteurs italiens Fincantieri (chantiers navals) et Rina (certification des navires).
Difficile à ce stade d’inventorier les usages dans lesquels les SMR auront un rôle à jouer.
Mais leurs caractéristiques propres, ajoutées à celles de l’énergie d’origine nucléaire en général, devrait leur ouvrir en grand le champ des possibles.
Produire de l’eau douce en faisant marcher des usines de dessalement semble être, par exemple, une fonction dans leurs cordes.
Onet Technologies sur tous les fronts
Avec plus de quarante années d’expérience dans le secteur du nucléaire et un pôle de 400 ingénieurs et référents techniques spécialisés, Onet Technologies entend prendre toute sa part dans la mise sur orbite des premiers SMR.
Notre positionnement stratégique est clair. Nous voulons accompagner, aussi en amont que possible, les acteurs les plus solides tout en diversifiant nos positions car l'ensemble des projets n'aboutiront pas au stade industriel. En transposant le retour d'expérience capitalisé sur le parc en exploitation, et avec un programme ambitieux de développement des compétences, nous sommes en mesure de soutenir des projets adressant l'ensemble du cycle de vie d'un réacteur, depuis la conception jusqu'à la déconstruction.
Maxime Michel-Noël
Depuis 2022, l’entreprise mobilise ses compétences dans le cadre de quatre projets initiés en France.
Pour un acteur du consortium réuni autour de Nuward, ses équipes réalisent des études de faisabilité liées à l’outillage permettant d’ouvrir et de refermer le couvercle du réacteur.
Auprès de Jimmy Energy, Naarea ou newcleo, les missions portent, selon les projets, sur les études réglementaires et de conception relatives aux équipements sous pression nucléaire associés aux composants cœur, sur les travaux de conception d’échangeurs de chaleur ou encore sur la conception de systèmes présentant de forts enjeux de sûreté pour l’exploitation des réacteurs – comme par exemple la machine de chargement du combustible.
Dans tous les cas, les interventions se font auprès des maîtrises d’ouvrage et des maîtrises d’œuvre, en tant que partenaire de premier rang et avec l’enjeu d’adapter l’organisation et la mobilisation des compétences d’Onet Technologies à l’organisation et aux méthodes de travail d’une start-up !
Pour avoir un périmètre d'études et des spécifications clairement définis, il faut être au cœur des développements. Pour cette raison, une des clés de notre offre d'ingénierie consiste à apporter une assistance technique au sein des plateaux d'études des clients. Notre très bonne connaissance de la réglementation nucléaire, des cadres et des normes appliqués à la conception mécanique fait de nous un allié précieux à ce stade des projets.
Maxime Michel-Noël
80 à 100 projets dans le monde
Si, depuis plusieurs décennies, la propulsion des sous-marins nucléaires fait appel à la technologie SMR, les applications civiles existent aujourd’hui essentiellement à l’état de promesses.
Une seule installation a été officiellement mise en service, en mai 2020.
Il s’agit d’une centrale composée de deux réacteurs de 35 MW et installée sur une barge flottante, où elle contribue à répondre aux besoins de la ville portuaire de Pevek, en mer de Sibérie orientale.
En Chine, la construction du premier SMR à eau pressurisée terrestre (125 MW) a débuté en juillet 2021 sur le site de Changjiang. Une fois achevée et mis en service, cette unité baptisée Linglong One fournira jusqu’à 1 milliard de kWh, soit l’équivalent de la demande en électricité de 526 000 foyers de la province insulaire méridionale de Hainan.
Dans le monde entier, l’AIEA dénombre entre 80 et 100 projets situés à des niveaux de maturité divers.
En Europe, le décollage remonte à 4 ou 5 ans.
Il a connu une accélération brutale en 2022 avec la mise en évidence de notre dépendance énergétique au gaz russe, dans un contexte de soutien de plus en plus marqué des gouvernements à l'énergie nucléaireMaxime Michel-Noël
Trois grands types d’acteurs sont à l’origine des principaux développements.
Tout d’abord, des leaders historiques du nucléaire civil comme EDF en France, Westinghouse aux États-Unis ou Rolls Royce au Royaume-Uni.
Ensuite, des start-up adossées à des groupes industriels, à l’image de NuScale et Holtec aux États-Unis.
Enfin, des start-up incubées dans le giron d’organismes scientifiques. Hexana et Stellaria, qui s’appuient sur des technologies et des brevets du CEA pour développer des petits réacteurs modulaires innovants, font partie de cette catégorie.
Tout autant que le profil des porteurs de projet, la diversité concerne les stratégies déployées sur le plan technologique.
Dans certains cas, l'approche consiste à recourir à un type de combustible éprouvé et à des technologies nucléaires validées par le retour d'expérience et le régulateur, en recherchant la miniaturisation pour une mise en service aussi rapide que possible. Il existe, par ailleurs, la volonté de concevoir des SMR de 4e génération, ce qui implique une montée en maturité sur le plan technologique afin, notamment, de donner des garanties supplémentaires en termes de sûreté et pour certains projets, une capacité à brûler des déchets nucléaires ultimes en vue de créer une nouvelle source de combustibles.
Maxime Michel-Noël
Avec, à la clé, un gain important pour l’autonomie et la souveraineté énergétique du pays concerné.
En complément, Onet Technologies s’appuie sur ses capacités en back office pour proposer de prendre en charge une partie des développements, puis de l’industrialisation grâce à sa très bonne connaissance du tissu industriel en France et à l’international.
L’expertise de son réseau interne et son expérience sur le terrain sont enfin d’une grande aide pour aider les clients à solutionner des problèmes techniques, mettre en place un audit, etc.
D’ici quelques mois ou années, selon le rythme de montée en puissance des projets, Onet Technologies pourra faire fabriquer et installer des systèmes et composants au cœur des SMR, mais aussi apporter un support à l’exploitation – par exemple en créant des services innovants faisant appel à l’intelligence artificielle pour perfectionner les technologies de contrôle ou de soudage.
Pôle multitechnique, expert en analyse de sûreté, ensemblier d’étude et de réalisation, auxiliaire de croissance pour l’ensemble de la filière nucléaire : Onet Technologies est tout cela à la fois pour porter haut la bannière des SMR !
Dans l’Hexagone, les pouvoirs publics en soutien
En France, le projet Nuward, déjà évoqué, associe deux réacteurs à eau pressurisée de 170 MW, technologie bien connue en France pour les réacteurs en fonctionnement et l’EPR.
La finalité est de favoriser, dans différents pays européens, le remplacement des centrales électriques thermiques (charbon et gaz) de puissance comparable dans une logique de décarbonation des mix électriques.
Après une dotation publique de 50 millions d’euros versée dans le cadre de France Relance pour accompagner la phase d’avant-projet sommaire, le Gouvernement a annoncé le 9 juin 2023 un financement public additionnel en soutien à la phase d’avant-projet détaillé.
Nuward fait actuellement l’objet d’une pré-évaluation de l’Autorité de sûreté nucléaire (ANS), en collaboration avec les autorités de sûreté tchèque et finlandaise, dans le but d’harmoniser les positions des régulateurs européens autour de cette technologie.
Par ailleurs, dans le cadre de l’appel à projets « Réacteurs nucléaires innovants » lancé en mars 2022 par le gouvernement français, deux premiers lauréats ont été désignés.
L’un, porté par la start-up Naarea, vise à mettre en service un micro-générateur de 40 MW en vue de produire de l’électricité et de la chaleur à partir de combustibles nucléaires usagés provenant du parc nucléaire actuellement exploité. Grâce à sa taille réduite, ce réacteur à neutrons rapides ne nécessitera pas d’eau et pourra être fabriqué en grande série pour être déployé rapidement à destination des industriels et des collectivités territoriales.
Le second lauréat est newcleo, qui s’est implanté́ en France, en Italie et au Royaume-Uni pour mettre au point les technologies innovantes servant de base à la conception d’un réacteur au plomb intrinsèquement sûr, en associant des organismes et des industriels européens. L’entreprise, qui a déjà levé 400 millions d’euros pour soutenir le développement de son projet, ambitionne de mettre en service un démonstrateur de 30 MW dès 2030 en France. Mais aussi de construire une usine dédiée de fabrication de MOX (combustible issu du traitement de l’uranium enrichi à l’issue de son utilisation dans les réacteurs nucléaires) pour ses propres réacteurs et autres réacteurs à neutrons rapides.
Technologie :
bientôt une nouvelle ère pour le nucléaire civil ?
Comme les réacteurs en fonctionnement, la plupart des projets de SMR sont des modèles à eau légère bouillante ou à eau pressurisée utilisant de l’uranium comme combustible.
Pour autant, certains pays comme le Canada, le Japon, la Chine et la Corée du Sud travaillent sur des innovations de rupture : sels fondus, gaz haute température ou neutrons rapides. On parle alors de réacteurs modulaires avancés ou AMR.
Bien que moins matures actuellement, ces technologies pourraient se révéler plus adaptées pour certains usages tels que la décarbonation des processus industriels électrochimiques.
Des concepts de sûreté
plus sobres en ressources
Pour pouvoir entrer en service, les SMR doivent franchir différentes étapes jusqu’à l’obtention d’une certification. Ce processus fait l’objet d’une surveillance étroite de la part de l’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA) ainsi que des autorités de sûreté nationales.
Un autre point d’attention réside dans l’harmonisation des standards de sûreté au niveau européen et international. Contraintes de taille des réacteurs obligent, les modèles qui président à la conception des SMR s’appuient sur des systèmes de nucléaire dits « passifs ». Il s’agit, concrètement, de recourir à la gravité ou à la circulation naturelle des liquides de refroidissement pour contrôler et, si nécessaire, stopper la réaction de fission nucléaire.
Les bénéfices associés sont multiples. Aucune source d’énergie externe n’est mobilisée et l’intervention humaine est réduite au minimum.
En outre, ces systèmes sont pensés pour pouvoir utiliser le combustible pendant un temps prolongé, ce qui se traduira par une fréquence de rechargement de 3 à 10 ans contre 1 à 2 ans pour les centrales nucléaires « classiques ».
S’agissant du traitement et du recyclage des combustibles usés, la maîtrise des méthodes et des solutions mis en œuvre sur les réacteurs existants pourra être étendue aux parcs SMR de demain.